Passant, ce sont des mots. Mais plutôt que lire
Je veux que tu écoutes : cette frêle
Voix comme en ont les lettres que l'herbe mange.

Prête l'oreille, entends d'abord l'heureuse abeille
Butiner dans nos noms presque effacés.
Elle erre de l'un à l'autre des deux feuillages,
Portant le bruit des ramures réelles
À celles qui ajourent l'or invisible.

Puis sache un bruit plus faible encore, et que ce soit
Le murmure sans fin de toutes nos ombres.
Il monte, celui-ci, de sous les pierres
Pour ne faire qu'une chaleur avec l'aveugle
Lumière que tu es encore, ayant regard.

Simple te soit l'écoute ! Le silence
Est un seuil où, par voie de ce rameau
Qui casse imperceptiblement sous ta main qui cherche
À dégager un nom sur une pierre,

Nos noms absents désenchevêtrent tes alarmes,
Et pour toi qui t'éloignes, pensivement,
ici devient là-bas sans cesser d'être.

Yves Bonnefoy, Les planches courbes, Mercure de France 2001


Commentaires

  1. Ce sont les mots que j'attendais pendant tout ce temps de silence…

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  2. Enfin, Douce, Cette Poésie Hebdomadaire absente tout cet Eté! Merci…

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    1. @ Ulysse...merci de votre fidélité de lecteur, cela me touche. J'espère que vous allez bien, prenez soin de vous!

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