La maison serait pleine de roses et de guêpes.
On y entendrait, l’après-midi, sonner les vêpres ;
et les raisins couleurs de pierre transparente
sembleraient dormir au soleil sous l’ombre lente.
Comme je t’y aimerais ! Je te donne tout mon cœur
qui a vingt-quatre ans, et mon esprit moqueur,
mon orgueil et ma poésie de roses blanches ;
et pourtant je ne te connais pas, tu n’existes pas.
Je sais seulement que, si tu étais vivante,
et si tu étais comme moi au fond de la prairie,
nous nous baiserions en riant sous les abeilles blondes,
près du ruisseau frais, sous les feuilles profondes.
On n’entendrait que la chaleur du soleil.
Tu aurais l’ombre des noisetiers sur ton oreille,
puis nous mêlerions nos bouches, cessant de rire,
pour dire notre amour que l’on ne peut pas dire ;
et je trouverais, sur le rouge de tes lèvres,
le goût des raisins blonds, des roses rouges et des guêpes.

Francis Jammes
 "De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir"


Commentaires

  1. Oh oui, Douce, merci pour avoir ajouter Francis Jammes à votre anthologie déjà si bien remplie…
    J’avoue que j’avais fait l’impasse de cet auteur pyrénéen qualifié par l’une de mes professeures de mes années 45-48 (tout cela est bien vieux !) de poète régionaliste, non sans un certain mépris… Mais, « la maison serait pleine de roses » m’a tellement impressionné que je viens de passer un certain temps à lire le recueil dont ce poème est extrait. J’en ai, à mon tour tiré celui-ci :


    Ô toi, Rose moussue et blonde, à tes oreilles,
    Que mes vers chantent comme un murmure d’abeilles.
    Que mon regard, vers toi glisse comme la Nuit
    Qui glisse et qui t’endort sous l’or dont elle luit !
    Que je te charme en invocations très douces,
    Comme les chants de la rosée au fond des mousses !
    Quand tu voudras mon cœur pour t’amuser, je veux
    Qu’il soit comme une fleur de sang dans tes cheveux !
    Lorsque je pleurerai, je veux, ô petite oie,
    Que tu prennes mes cris pour des accès de joie,
    Et, lorsqu’on me mettra dans l’ombre du cercueil,
    Que ta dernière larme embellisse ton œil,
    Pour que ceux qui vivront, en te voyant plus belle,
    Admirent dans ma mort ta jeunesse immortelle.

    Il m'a fait penser, dans une sorte de retournement, à Malherbe ( Et Rose elle a vécu ce que vivent les roses)!

    Bien à vous.

    RépondreSupprimer
  2. @ulysse Je n'ai pas ce recueil mais je suppose que sa lecture doit être passionnante. Je suis contente de découvrir également ce texte. Merci ! Et puis je suis contente de vous lire Jacques, j'ai eu un peu peur ne voyant pas votre "fidèle" commentaire. Eu égard à votre grand âge même si je ne doute pas que vous êtes en pleine forme, je n'aimerai pas "constater" un silence soudain sans en savoir la raison…! Je suis une incorrigible inquiète et je m'attache aux personnes que j'apprécie, dont vous faites parti. Belle fin de semaine à vous. MC
    Supprimer

    RépondreSupprimer
  3. C'est gentil, merci, la bête est vieille et dégradée mais encore résistante… Je n'ai pas non plus une édition "papier" mais vous avez accès je crois comme moi à une version électronique peut-être pas complète mais significative par ce lien:

    http://www.florilege.free.fr/recueil/jammes-de_l_angelus_de_l_aube_a_l_angelus_du_soir.html

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @ulysse Merci !!! je vais aller voir cela! Bon weekend à vous.

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés