“L'aile gauche du cœur
Se replie sur le cœur.
Je vois brûler l'eau pure
et l'herbe du matin.
Je vais de fleur en fleur sur un corps auroral.
Midi qui dort je veux l'entourer de clameurs
L'honorer dans son jour de senteurs de lueurs
Je ne me méfie plus je suis un fils de femme
La vacance de l'homme et le temps bonifié
La réplique grandiloquente
Des étoiles minuscules
Et nous montons.
Les derniers arguments du néant sont vaincus
Et le dernier bourdonnement
Des pas revenant sur eux-mêmes.
Peu à peu se décomposent
Les alphabets ânonnés
De l'histoire et des morales
Et la syntaxe soumise
Des souvenirs enseignés.
Et c'est très vite
La liberté conquise
La liberté feuille de mai
Chauffée à blanc
Et le feu aux nuages
Et le feu aux oiseaux
Et le feu dans les caves
Et les hommes dehors
Et les hommes partout
Tenant toute la place
Abattant les murailles
Se partageant le pain
Dévêtant le soleil
S'embrassant sur le front
Habillant les orages
Et s'embrassant les mains
Faisant fleurir charnel
Et le temps et l'espace
Faisant chanter les verrous
Et respirer les poitrines
Les prunelles s'écarquillent
Les cachettes se dévoilent
La pauvreté rit aux larmes
De ses chagrins ridicules
Et minuit mûrit ses fruits
Et midi mûrit des lunes.
Tout se vide et se remplit
Au rythme de l'infini
Et disons la vérité
La jeunesse est un trésor
La vieillesse est un trésor
L'océan est un trésor
Et la terre est une mine
L'hiver est une fourrure
L'été une boisson fraîche
Et l'automne un lait d'accueil.
Quant au printemps c'est l'aube
Et la bouche c'est l'aube
Et les yeux immortels
Ont la forme de tout.
Nous deux toi toute nue
Moi tel que j'ai vécu
Toi la source du sang
Et moi les mains ouvertes
Comme des yeux.
Nous deux nous ne vivons
que pour être fidèles
A la vie.”

Paul Eluard - Poésie ininterrompue 

John Bowno photo




Commentaires

  1. Les voici mûrs, ces fruits d'un ombrageux destin. De notre songe issus, de notre sang nourris, et qui hantaient la pourpre de nos nuits, ils sont les fruits du long souci, ils sont les fruits du long désir, ils furent nos plus secrets complices et, souvent proches de l'aveu, nous tiraient à leurs fins hors de l'abîme de nos nuits ... S-J.P.

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  2. @ulysse.....Perse mon poète préféré…. Beau rebond! Merciii à vous ! Sincèrement.

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  3. Prends bien tout le recul de ta sagesse humaine pour laisser s’apaiser d’abord en toi le souffle, bien naturel, de la première émotion. (Lettre à l’Etrangère)

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