"Dieu m'a souvent rendu visite quand j'habitais le pays de Giono. Un sourire, une espèce de vertige, un chatouillis dans la poitrine, un sentiment d'harmonie devant sa présence. C'étaient les quatre signes. La plupart du temps, je les ressentais lorsque je venais contempler la Vierge noire de l'église Notre-Dame de Romigier que je fréquentais beaucoup à l'époque, au point de passer pour un crapaud de bénitier. Si je restais longtemps à la regarder, je pleurais de bonheur. Mais des fois, ça ne marchait pas et je rentrais bredouille, l'âme en peine, à la maison.

J'étais à peu près sûr de rencontrer Dieu, même l'hiver, quand j'allais au nord de Manosque, à Sisteron, au sommet de la citadelle de Vauban, et me retrouvais au milieu des montagnes blanches comme la mort qui crevaient le ventre de gros nuages noirs, pourchassés par le vent. Par beau temps, je vérifiais qu'il n'y avait personne avec moi sur la forteresse pour céder à mon irrépressible envie de hurler mon bonheur à tue-tête.

Non loin de là, sur le plateau de Ganagobie où trône un monastère bénédictin d'une humilité orgueilleuse, à pic au-dessus de la vallée de la Durance, le même Dieu accourait dès qu'il entendait le bruit de mes pas sur les pierres. J'en vins à me demander s'il n'habitait pas là au milieu des aigles. Je l'ai vu aussi régulièrement à Valensole ou à Sainte-Croix-du-Verdon. Je crois n'être jamais tombé autant de fois sur lui que pendant la période où j'habitais les Alpes-de-Haute-Provence.

Le corps de Dieu est gravé partout, dans nos yeux, nos coeurs, nos âmes. Le voir est donné à chacun d'entre nous, à condition de savoir qu'il est là et de l'attendre. Il est comme les chats. Il vient quand il veut et où il veut, mais il vient toujours, un jour ou l'autre."


Franz-Olivier Giesbert  - Extrait - La dernière fois que j'ai rencontré Dieu
Photo picorée sur la toile 



Commentaires

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés