"Si je te perds un jour,
pourras-tu dormir alors
sans que tel le feuillage d'un tilleul
je bruisse à peine, penché sur toi ?
Sans que je veille et dépose
des mots, des paupières presque,
sur tes seins, sur tes membres,
et sur ta bouche.
Sans que je te close
et te laisse seule avec ce qui t'appartient,
comme un jardin où poussent à foison
la mélisse et l'anis étoilé"


Extrait de Les Poésies d'amour - Rainer Maria Rilke - 
Poésies choisies, traduites de l'allemand et présentées par Sibylle Muller - Editions Circé



Commentaires

  1. Ce qui est au-dehors nous ne le connaissons
    que par les yeux de l'animal. Car dès l'enfance
    on nous retourne et nous contraint à voir l'envers,
    les apparences, non l'ouvert, qui dans la vue
    de l'animal est si profond. Libre de mort.
    Nous qui ne voyons qu'elle, alors que l'animal
    libre est toujours au-delà de sa fin:
    il va vers Dieu; et quand il marche,
    c'est dans l'éternité, comme coule une source.
    Mais nous autres, jamais nous n'avons un seul jour
    le pur espace devant nous, où les fleurs s'ouvrent
    à l'infini. Toujours le monde, jamais le
    Nulle part sans le Non, la pureté
    insurveillée que l'on respire,
    que l'on sait infinie et jamais ne désire.
    Il arrive qu'enfant l'on s'y perde en silence,
    on vous secoue. Ou tel mourant devient cela.
    Car tout près de la mort on ne voit plus la mort
    mais au-delà, avec le grand regard de l'animal,
    peut-être. Les amants, n'était l'autre qui masque
    la vue, en sont tout proches et s'étonnent...

    (extrait de la « Huitième Elégie » de Rilke, dans la traduction de François-René Daillie, poche Orphée/La Différence.)

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    1. @Aramis ...mais c'est magnifique ce texte, je ne connaissais pas ! Merci ! et très belle semaine!

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    2. C’est un extrait d’une des dix Élégies de Duino (écrites de 1912 à 1922) et publiées pour la première fois en 1923. Considérées comme une des œuvres majeures de Rilke, elles ont été traduites de nombreuses fois en français. J’ai choisi celle-ci parce qu’elle est de mon frère et que je n’ai aucune compétence en la matière mais il y en a une de Jaccottet, poète que vous appréciez je crois, publiée assez récemment (2008) à Genève (La Dogana).

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